J'm'interroge a écrit : 25 déc.25, 10:00
6.
L’omniscience n’est pas un ensemble de réponses
pauline.px a écrit : 27 déc.25, 21:48
A priori, au contraire du savant, l'omniscient ne peut pas se poser de questions, rien ne lui manque.
Si vous lui posez une question, il répond "je savais que vous alliez me poser cette question qui n'a aucun sens puisqu'elle relève de l'évidence".
Dire que « l’omniscient ne se pose pas de questions » ne répond pas à l’objection, cela l’élude.
Les questions ne sont pas un manque psychologique, mais un indice structurel : elles manifestent les distinctions, les critères et le cadre à l’intérieur desquels quelque chose peut être su.
Supprimer les questions ne supprime pas ces conditions ; cela les rend simplement invisibles.
Dire « tout est évident » n’explique rien :
une évidence n’existe qu’au regard de distinctions déjà opérantes.
Sans cadre, il n’y a ni question, ni réponse, ni évidence — donc pas de savoir non plus.
J'm'interroge a écrit :
Le couple {IA₁, IA₂} forme un système élargi, mais toujours situé dans un même cadre structurel : règles de calcul, conditions de validité, primitives opératoires...
pauline.px a écrit : 27 déc.25, 21:48
Justement, ce genre de structure n'est-il pas anthropomorphique ?
Je constate que vous répétez l'argument "impossibilité logique" comme si la logique était une théorie complète et que vous aviez une vraie démonstration que l'autoréférence ne marche
jamais.
Non, ce cadre n’est pas anthropomorphique : il est minimal.
Toute connaissance possible — humaine ou non — suppose des règles, des distinctions et des conditions de validité. Ce n’est pas une psychologie, c’est une structure logique.
Et je ne dis pas que « l’autoréférence ne marche jamais » ou que l’autoréférence est toujours impossible. Ce que je montre, c’est que l’autoréférence ne permet jamais à un système de se totaliser intégralement comme objet, qu’elle ne permet jamais la totalisation du cadre qui la rend possible.
Ce n’est pas une limite d’une logique particulière, mais une contrainte logique générale : un système ne peut pas se donner intégralement comme objet sans déjà le présupposer.
Autrement dit, un système peut se référer à lui-même partiellement, produire des descriptions de ses composants, mais aucune autoréférence ne crée un point de vue extérieur permettant d’embrasser toutes ses conditions de possibilité.
Ce n’est donc pas une limite de la logique formelle spécifique ou de la machine, mais une contrainte structurelle générale : un système ne peut jamais se connaître dans sa totalité sans déjà présupposer ce qu’il tente de connaître.
En effet, pour se connaître, un système doit utiliser des règles, distinctions et critères qui font partie de sa propre structure. Or ces éléments, qui rendent la connaissance possible, ne peuvent jamais être totalement inclus dans ce qui est connu sans contradiction.
Autrement dit, un système ne peut jamais se prendre comme objet dans sa totalité : il lui faudrait une perspective extérieure à lui-même pour intégrer l’ensemble de ses conditions de possibilité. Cette limite est logique, non technologique ou empirique.
J'm'interroge a écrit :
Une connaissance sans aucun langage, au sens large (distinctions, inscriptions, règles), n’est pas une connaissance, car elle ne peut ni se stabiliser ni se rendre accessible, même à elle-même.
pauline.px a écrit : 27 déc.25, 21:48
Au fait, "omniscient" signifie "qui sait tout".
Est-ce que "savoir tout" est une connaissance ?
Justement : dire « savoir tout » n’est pas encore dire en quel sens il y a savoir.
Un savoir n’est pas une masse indifférenciée de contenus, mais quelque chose qui est déterminé, discriminable et ré-identifiable comme savoir.
Sans distinctions, sans règles de reconnaissance, sans formes d’inscription ou d’accès (au sens le plus large), il n’y a rien qui puisse être dit « su » — même pour cet hypothétique et vague "omniscient" lui-même.
« Savoir tout » n’est donc une connaissance que s’il existe un cadre permettant d’identifier ce « tout » comme savoir, et non comme une simple totalité muette.
J'm'interroge a écrit :Tu identifies finalement l’écoulement du temps et le chaos comme obstacle majeur à l’omniscience.
pauline.px a écrit : 27 déc.25, 21:48
Non, je l'évoque comme un obstacle, il suffit d'un grain de sable pour que l'omniscience soit imparfaite
Mais même dans un univers parfaitement déterministe et intemporel, le problème resterait entier.
La limite fondamentale n’est pas l’imprévisibilité du futur, mais l’impossibilité logique pour un système : d’embrasser comme objet total ce qui le rend possible comme système connaissant.
Nous sommes d’accord sur ce point central, mais il faut en tirer toutes les conséquences.
Si un seul grain de sable suffit à rendre l’omniscience imparfaite, alors l’omniscience n’est pas un idéal asymptotique, mais un concept logiquement fragile.
Et surtout : même en supprimant le temps, le chaos, l’indétermination et toute contingence physique, la difficulté demeure intacte. Elle ne vient pas du monde, mais de la structure même du connaître.
Le problème n’est donc pas l’imprévisibilité du futur, mais le fait qu’un système connaissant ne peut jamais prendre comme objet total ce qui rend possibles ses propres opérations de connaissance, sans déjà les présupposer.
Ce n’est pas une limite empirique. C’est une limite logique.
J'm'interroge a écrit :Il me semble que tu raisonnes à partir d’une omniscience supposée possible
pauline.px a écrit : 27 déc.25, 21:48
Supposer qu'elle est impossible me paraît assez peu pertinent, dès lors, comme pour démontrer le postulat d'Euclide par l'absurde, je cherche quelle pourrait être une omniscience ne reposant pas trop sur analogies humaines et des présupposés hasardeux.
La différence est précisément là : tu pars d’une omniscience supposée possible et tu cherches ensuite à en purifier le concept de tout anthropomorphisme.
Moi, je fais l’inverse : je construis le concept de façon explicite, puis j’examine sa cohérence logique.
Comparer cela au postulat d’Euclide ne fonctionne pas : un raisonnement par l’absurde exige un cadre formel clair. Or ici, le concept d’omniscience reste volontairement indéterminé, donc irréfutable par construction.
Ce n’est pas une ouverture conceptuelle, c’est une immunisation contre la critique.
...............
Ton désaccord repose toujours sur le même point, que je vais donc traiter frontalement.
Tu confonds « anthropomorphisme » et « condition minimale du savoir ».
Quand je parle de cadre, de règles, de distinctions ou de conditions de validité, je ne parle pas de formes humaines particulières (langage naturel, logique classique, taxonomies scolaires). Je parle de ce sans quoi il n’y a tout simplement pas de connaissance.
Qualifier cela d’anthropomorphique revient à dire qu’une connaissance pourrait exister sans aucune différenciation, sans critères, sans possibilité de conserver, réidentifier ou rendre consistant ce qui est su. Ce n’est pas une autre forme de savoir : c’est l’absence de savoir.
Dire “l’omniscient ne se pose pas de questions” ne résout rien.
Affirmer que tout est « évident » pour lui est une formule rhétorique, pas une analyse.
L’évidence n’est pas un contenu magique : elle présuppose déjà
– ce qui est évident,
– pour qui,
– selon quelles distinctions.
Supprimer les questions ne supprime pas le cadre ; cela le rend simplement implicite et donc soustrait à toute analyse.
« Savoir tout » n’est pas encore un concept de connaissance.
Tu demandes si « savoir tout » est une connaissance. Justement : non, tant que tu ne précises pas
– ce que signifie savoir,
– ce que signifie tout,
– dans quel registre cette totalité est déterminée.
Sans cela, « omniscience » n’est qu’un mot-valise autosuffisant, immunisé contre toute critique — ce qui explique pourquoi il paraît toujours possible.
Quand je parle de l'impossibilité d'une omniscience, je ne la suppose pas : je montre l’incohérence logique qu'il y a à en supposer une.
Tu dis qu’il serait « peu pertinent » de supposer l’impossibilité de l’omniscience. Mais je ne pars pas d’un postulat négatif.
Je prends le concept au sérieux, j’essaie de le rendre opérant, et je montre qu’à chaque tentative :
– soit il devient trivial (« sait tout, point »),
– soit il suppose un cadre qu’il ne peut pas prendre entièrement pour objet,
– soit il se définit par identité circulaire.
Ce n’est pas refuser l’omniscience ; c’est constater qu’elle se dissout dès qu’on exige qu’elle signifie quelque chose de précis.
Chercher une omniscience “non humaine” ne suffit pas.
Éliminer les analogies humaines ne fait pas disparaître les conditions structurelles du savoir.
Une omniscience sans langage, sans distinctions, sans critères, sans cadre permettant d’identifier, de conserver et de rendre accessible ce qui est su — même pour elle-même — ce n’est pas une omniscience non humaine : c’est une omniscience indéfinie, donc conceptuellement intenable.
En résumé :
Tu explores comment une omniscience pourrait exister en changeant de support, de forme ou de point de vue.
Moi, je montre que le concept même d’omniscience ne peut pas être défini de manière cohérente, quel que soit le support, humain ou non.
Ce n’est pas une limite de notre imagination. C’est une limite logique du concept de « savoir total ».
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- La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
- Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Humilité !
- Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit son lot d'expériences vécues.
Sagesse !