J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Si l'on veut parler d'un vécu sans interpréter, il n'y a qu'une seule solution : la description.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
Sans nécessairement penser qu'il y a une vérité quelconque au bout d'une compréhension, on peut aller plus loin que la simple description...
La question n’est pas de savoir si l’on peut aller plus loin que la description.
Bien sûr qu’on le peut : c’est ce que font les théories, les interprétations, les récits, les analyses.
La question est : que se passe-t-il quand on va plus loin ?
Dès qu’on dépasse la description, on quitte le terrain du vécu pour entrer dans celui de l’interprétation. C’est légitime, c’est souvent utile, mais ce n’est plus le vécu lui-même et cela devient discutable. C’est exactement cette distinction que je souligne.
On peut aller au-delà, mais on ne peut pas prétendre que ce “au-delà” soit encore le phénomène brut. La description dit ce qui apparaît. L’interprétation dit ce qu’on pense que cela signifie ou implique. Confondre les deux, c’est confondre un donné avec une croyance. C’est justement ce que le sceptique s’efforce d’éviter.
J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Tout à fait, une théorie peut-être vraie ou fausse. Mais elle ne peut qu'être vraie dans son cadre de validité, autrement dit : elle ne peut jamais être absolument vraie. Aucune théorie ne peut prétendre être La Vérité, Laquelle n'existe pas.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
C'est une affirmation qui ne s'appuie que sur elle-même, sans aucune preuve pour l'étayer. Ce n'est donc pas un argument, mais l'affirmation d'un simple point de vue.
Tu fais une confusion.
Dire qu’aucune théorie n’est absolument vraie n’est pas une affirmation dogmatique : c’est un constat méthodologique.
Une théorie n’est vraie que dans la mesure où elle rend compte d’un certain domaine d’apparences, dans certaines conditions, avec une certaine efficacité. Changez les conditions, les outils ou les données, et la même théorie peut devenir inadéquate. C’est ainsi que fonctionnent la science, l’épistémologie, et même l’expérience quotidienne. Cela n'a rien à voir avec un simple point de vue.
Tu me reproches ensuite une absence de preuve, mais il n’y a rien à “prouver” : il suffit d’observer l’histoire des théories humaines — physiques, psychologiques, médicales, religieuses. Elles naissent, se transforment, se corrigent, se contredisent parfois, et toutes ont leurs limites. Une théorie dont on pourrait montrer l’absolue vérité n'a jamais été présentée.
Constater qu’aucune théorie ne dépasse son cadre de validité n’est donc pas “un point de vue”, c’est reconnaître une structure constante :
– toujours une apparence donnée,
– toujours une interprétation possible,
– jamais une certitude ultime.
Cela ne discrédite pas les théories utiles ; cela rappelle simplement qu’elles ne sont pas des absolus. C’est une position de retenue, pas une croyance.
J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Pour statuer sur la vérité d'une théorie il faut refaire tout le cheminement. Effectivement, peu de personnes en sont capables. Ce que l'on ne comprend pas, ce que l'on n'est pas entièrement en mesure de pouvoir trancher, on peut le croire, on peut croire le contraire, ou suspendre son jugement à son sujet. Le mieux étant toujours de ne pas se baser sur ce que l'on n'est pas soi-même en mesure de vérifier.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
On peut certes se leurrer, mais la certitude pour soi est un élément à considérer, une possibilité qui n'enfreint aucune règle en soi. On peut en douter de l'extérieur, mais de l'intérieur, ça ne cause aucun probleème, la certitude ayant chassé tout doute...
Pour d'autres personnes, comme je le disais, il est possible de s'amener soi-même à la limite de sa compréhension, à partir des éléments disponibles susceptibles de faire avancer en compréhension, ce qui peut octroyer un poids supérieur à toute autre considération. S'approcher ainsi à cette limite provoquera peut-être, par la tension suscitée, une percée, une ouverture, un nouvel horizon...
Tu décris ici une impression de certitude, pas une preuve de vérité. Ce sont deux choses très différentes.
La certitude subjective n’a jamais prouvé quoi que ce soit.
Dans toutes les traditions, on trouve des gens absolument certains… de choses contradictoires entre elles.
L'impression de certitude est un état psychologique, pas un critère épistémique.
Qu’une impression de certitude “chasse le doute de l’intérieur” ne change rien à sa nature. Elle reste une impression forte, pas une validation du contenu de la croyance.
La tranquillité issue d’une croyance n’est pas non plus un argument pour sa vérité.
S’amener à la limite de sa compréhension peut effectivement permettre des intuitions, des impressions de percée, des horizons nouveaux. Mais cela ne dit rien, en soi, sur la valeur de vérité objective de ce qui apparaît dans cette situation.
Les mystiques, les scientifiques, les complotistes et les illuminés décrivent tous des “percées intérieures”.
Ce critère ne discrimine rien.
Le sceptique, lui, distingue :
– le vécu : indubitable, mais muet sur ce qui l'entour ;
– ce qu’on en conclut : toujours interprétatif, toujours révisable, jamais auto-validant.
Tu peux donc certes ressentir une certitude, ou vivre une “ouverture”. Mais cela ne constitue pas un argument en faveur du contenu que tu tiens pour certain, ni qu'il s'agisse d'une véritable ouverture au sens sceptique.
Le vécu est certain ; la conclusion qu’on en tire ne l’est jamais de manière absolue.
C’est précisément pour cela que la suspension du jugement reste la seule position intellectuellement honnête quand rien ne permet de trancher.
J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Tout à fait, certains des propos que je peux tenir sont dans le registre du religieux. Ceci dit, il ne s'agit pas de croyances pour autant.
Il serait erroné de conclure qu'une position religieuse soit forcément croyante.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
Je ne vois pas très bien la différence sauf à penser que vous êtes seul à considérer comme vrai votre point de vue, de toute façon une théorie plus ou moins vraie selon vos propres mots, ou déclarée vraie sur simple appui de votre point de vue...
Tu fais un énorme contresens.
Quand je dis qu'il m'arrive de tenir des propos "religieux", c'est dans le sens que certains d'entre eux portent sur des questions de connexion existentielle, et aussi parce qu'il y est question de la Vie (avec une majuscule), terme que j'emploie souvent pour désigner quelque chose en rapport avec la vie biologique, mais aussi et surtout avec la conscience, ce qui la permet, ce qui l'encadre et qui justement dépasse nos possibilités de compréhension, sans y voir un Dieu ou un être suprême ou absolu. Je n'y mets aucune croyance et cette perspective est complètement athée et naturaliste.
Or, tu en conclus abusivement que, parce que je dis tenir des propos que je qualifie de "religieux", que je croirais des choses, parce que tu ne dissocies pas religion et croyances.
Mais un discours peut être religieux sans être croyant. Rien dans ce que je dis n’est posé comme “vrai” au sens dogmatique. Une position peut être formulée, explorée, utilisée comme hypothèse, sans être tenue pour vraie absolument.
Quant à l’idée que je ‘déclare vrai sur simple appui de mon point de vue’, elle ne correspond pas à ce que j’ai dit. J’ai justement affirmé qu’aucune théorie — y compris la mienne — n’est absolument vraie. Ce n’est donc pas une prétention à la vérité, mais une limitation volontaire du jugement.
J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Et plus quelqu’un croit que sa théorie est “la vérité”, plus il devient imperméable à toute autre compréhension — peut-être meilleure, plus simple, ou plus proche de ce qu’il vit réellement.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
Et vous?
Il faut tout de même une certaine ouverture d'esprit pour permettre à ce qui est présenté de recevoir toute l'attention voulue pour un examen le plus objectif possible, sans qu'il faille conclure absolument. Et puisqu'on ne peut conclure de toute façon, le point d'arrivée se présente alors comme une simple ouverture ou à tout le moins aura mené à une suspension du jugement qui laisse ouvert le possible... Car 'que savons-nous de ce que nous ne savons pas?'. Cette règle m'apparaît sensée et de mise pour une posture juste...
Ce que tu décris — ouvrir, examiner, rester disponible au possible, suspendre lorsque rien ne permet de trancher — c’est exactement la posture que je défends.
La différence tient à ceci :
Je n’identifie jamais une théorie à un vécu.
Je peux examiner une hypothèse, y prêter attention, la considérer dans sa cohérence, dans son utilité éventuelle. Mais je ne la confonds pas avec ce qui apparaît réellement. Ce que je vis est certain ; ce que j’en déduis ne l’est pas. Je garde cette distinction comme règle de base.
Rester ouvert ne veut pas dire tout accepter ni appeler “vrai” ce dont on ne peut rien dire.
L’ouverture va avec la retenue : j’écoute, je regarde, j’explore, mais je n’accorde pas plus que ce que l’apparence justifie.
Ta question “Et vous ?” est précisément ce à quoi je réponds : oui, je m’applique la même règle.
- Je ne conclus pas absolument.
- Je ne fais pas de mes formulations des dogmes.
- Je laisse ouvert ce qui doit rester ouvert.
La suspension du jugement n’est pas un refus ; c’est la manière la plus honnête d’accueillir ce qui dépasse la portée des apparences.
J'm'interroge a écrit : 04 déc.25, 21:14
Tant que la théorie est prise pour telle et n'est pas confondue avec un vécu. En rappelant que soutenir une théorie n'implique pas nécessairement de la tenir pour vraie ou conforme.
ronronladouceur a écrit : 05 déc.25, 04:39
Je trouve le mot 'théorie' mal choisi du fait qu'il ferme la perspective... Je n'exclus pas qu'une vérité puisse même être universelle et qu'elle ne se manifeste qu'à la faveur de certaines conditions...
Pour ainsi dire, dans l'esprit de l'entéléchie, chacun étant à son heure, chacun arrivera à l'heure juste... à son heure...
Il me semble que nous ne parlons pas tout à fait de la même chose.
Je ne nie pas que certaines conclusions puissent être utiles, vraies dans un cadre ou favoriser une compréhension partielle. Mon propos n’est pas de dire qu’il n’y a rien à inférer ou à expérimenter, mais que la valeur d’une théorie n’est jamais absolue : elle ne devient jamais la réalité brute. La distinction fondamentale que je défends est entre le vécu direct et l’interprétation que l’on en fait.
On peut explorer, examiner, se rapprocher d’un horizon de compréhension — et même croire y parvenir — tout en restant conscient que ce que l’on tient pour vrai est toujours provisoire, toujours dépendant du cadre et des moyens de vérification. La suspension du jugement n’est pas une inertie : c’est la reconnaissance de cette limite, qui permet d’agir et d’apprendre sans se laisser emprisonner par une prétendue vérité ultime.
En résumé : je soutiens l’ouverture et l’expérimentation, mais sans confondre jamais la théorie avec le vécu, et sans accorder à une idée une vérité absolue qu’elle ne peut avoir.
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PS : Relativement à ce que tu as rajouté à la suite. Vu que j'y ai déjà répondu. Je ne vais pas me répéter inutilement.
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